Le durcissement de la politique pénale face au terrorisme

Face à l’évolution de la situation, notamment les appels au meurtre et la multiplication des attentats depuis janvier 2015, le Parquet de Paris a décidé en avril 2016 de durcir sa politique pénale en matière de terrorisme. Jusque-là, la qualification d’association de malfaiteurs terroriste criminelle n’était utilisée que pour les auteurs d’exactions dans le cadre de leurs activités au sein de l’EI ou du Front al Nosra (Fatah al Sham, Hayat Tahrir al-Sham -HTS) ou pour les personnes susceptibles de préparer des actions violentes sur le territoire national. Pour les autres, qu’ils soient combattants, candidats au départ ou soutiens logistiques et financiers, ils relevaient de l’association de malfaiteurs terroriste correctionnelle. Le Procureur de la République de Paris constatait ainsi que « le spectre des peines prononcées ne correspondait absolument pas à l’échelle de gravité des comportements ». Considérant qu’à compter de janvier 2015 « plus personne ne peut ignorer que ces organisations ont pour but de perpétrer des crimes », la stratégie de criminalisation des procédures, mise en œuvre par le Parquet à partir de la fin avril 2016, considère désormais comme participant à une association de malfaiteurs terroriste criminelle en vue de commettre des crimes d’atteintes aux personnes, les individus remplissant les deux critères cumulatifs suivants : • Départ sur zone depuis janvier 2015 ou présence sur zone à cette date • Participation à des combats, des patrouilles armées ou à la police islamique avec l’EI ou le Front Al Nosra (Fatah Al Sham, HTS) Le Procureur de la République de Paris précisait que depuis cette date « toutes les informations judiciaires que l’on ouvre pour ces faits sont donc de nature criminelle. De plus, nous demandons aux juges d’instruction la requalification au criminel des procédures déjà ouvertes pour des personnes présentes après janvier 2015 en Syrie » et ajoutait que le Parquet « demandera systématiquement la mise en accusation devant la Cour d’assises spéciale de Paris ». Le gouvernement indiquait en mai 2016 que, du fait de cette nouvelle politique pénale, « c’est toute l’échelle des peines requises et prononcées qui va connaître une élévation ». 6 Le 12 juillet 2016, la chambre criminelle de la Cour de cassation a validé la politique pénale de criminalisation du parquet de Paris, allant même au-delà en affirmant que la seule appartenance à un groupement, une entente, ayant pour objet la préparation de crimes, suffit à qualifier le crime, sans qu’il soit besoin de démontrer une quelconque participation effective aux crimes, aux combats ou à leur préparation de la part des membres du groupe. En d’autres termes, le fait même de rejoindre une organisation terroriste implique de facto l’intention de commettre des crimes d’atteinte aux personnes. Le rapporteur au Sénat de la proposition de loi relative à la composition de la Cour d’assises de l’article 698-6 du code de procédure pénale fera ce constat que désormais « toutes les enquêtes relatives au djihad syro-irakien, y compris pour les femmes et les non-combattants, peuvent donc être ouvertes sous un visa criminel ». Parmi l’ensemble des personnes présentes sur zone après janvier 2015, on observe que la peine moyenne prononcée à l’encontre de ceux jugés avant avril 2016 est de 9 ans et 4 mois d’emprisonnement. Les individus jugés après avril 2016 ont été condamnés à une peine moyenne de 10 ans et 4 mois.